Autisme : l’équipe HVS prend la parole

Madame Sophie Dubois, pédopsychiatre au sein du CAMSP Pierre Legland aux Mureaux et de la Plateforme de diagnostic Autisme de proximité de Vernouillet.

On connaît aujourd’hui dans l’autisme l’importance d’un diagnostic précoce chez l’enfant et l’impact qu’il aura par la suite dans la qualité de vie de l’enfant. Quelles sont les missions concrètes de la PDAP auprès d’eux et de leur entourage ?  

La PDAP a comme missions de poser ou d’infirmer le diagnostic de Troubles du Spectre Autistique pour les enfants âgés de 0 à 6 ans et d’accompagner les familles vers un projet de soins. L’objet de ce dispositif est de structurer le réseau de diagnostic simple, en lien avec les acteurs du repérage et du dépistage et le réseau de diagnostic complexe.

Notre équipe est constituée de pédopsychiatres, d’une neuropsychologue, d’une neuropédiatre, d’une assistante de service social, d’une psychomotricienne et d’un agent de service administratif et s’est enrichie en mars 2020 de la présence d’une Educatrice de Jeunes enfants.

Les évaluations diagnostiques se font à la demande des familles, demande qui doit être étayée par un courrier médical d’adressage. Le parcours d’évaluation est adapté à chaque enfant. Il se déroule sur plusieurs demi-journées et comporte divers éléments : l’évaluation pédopsychiatrique clinique, éventuellement une consultation neuro-pédiatrique, une rencontre avec l’assistante de service sociale, ainsi que la réalisation de tests développementaux, d’échelles et de tests diagnostiques de l’autisme, un bilan psychomoteur et un profil sensoriel (le profil sensoriel de Dunn est un questionnaire qui mesure l’impact des troubles sensoriels de l’enfant sur sa vie quotidienne) si besoin. De même, une visite à domicile peut être proposée. Un lien peut être aussi établi avec l’école, la crèche ou d’autres partenaires.

A l’issue de ce parcours, une synthèse à laquelle se joignent d’éventuels partenaires invités (services sociaux, CMPI, CMPP) est effectuée. Elle aboutit à un compte-rendu détaillé et à des préconisations, qui est remis et explicité aux familles au cours du rendez-vous de restitution. C’est à ce moment-là que l’annonce du diagnostic est faite avec une quantification de  l’intensité du TSA. On souligne aussi les potentialités de l’enfant et on fait des propositions concrètes. (aménagement de l’environnement, mise en place d’un emploi su temps visuel, introduction de supports à la communication de type, signes, photos et pictogrammes)

Ce compte-rendu est aussi adressé aux différents partenaires de soins,  à ce jour essentiellement  le CAMSP, le Centre Médico-psychologique pédagogique (CMPP), les inter-secteurs de pédopsychiatrie. 

La PDAP soutient aussi les familles dans les différentes démarches suivantes : la constitution d’un dossier auprès de la MDPH, l’orientation vers la PCO (Plateforme de Coordination et d’Orientation pour tout enfant porteur de trouble neurodéveloppemental de 0 à 7 ans) de Versailles, pour la mise en place du forfait d’intervention précoce (notamment la psychomotricité en libéral), la prescription de bilans neurologiques et génétiques qui se font à l’hôpital ainsi que la recherche de prise de soins adaptée. Néanmoins, ce dernier point relatif à la recherche de soins peut être rendue difficile par la saturation des structures et des libéraux de ce territoire.  Par ailleurs, nous orientons vers Pédiated (Centre hospitalier Mignot de Versailles) les situations diagnostiques complexes. Nous sommes donc en train de développer un réseau que ce soit en amont avec le secteur de la petite enfance, les médecins scolaires, les territoires d’action sociale, les pédiatres et médecins de ville et des hôpitaux et en aval, avec les Centres médico-psychologiques infantiles (CMPI), les CMPP et les autres intervenants en libéral.

Il s’agit donc d’un premier accompagnement à ces familles et nous nous mettons à leur disposition si besoin ultérieurement, avec l’idée de constituer des groupes de parole.

 

Depuis quand la plateforme est-elle ouverte et combien de jeunes avez-vous accueillis jusqu’à présent ? combien de jeunes prévoyez-vous d’accueillir dans les années à venir ?

La PDAP a ouvert le 03 février 2020. C’est un projet conjoint de l’association Handi Val de Seine et de l’Association médico-psychologique pédagogique Viala (AMPP), à la demande de l’Agence régionale de santé, mené par le CAMSP des Mureaux et le CMPP de Vernouillet, en concertation avec différents partenaires intersectoriels de pédopsychiatrie et enfin Pédiated.

79 enfants nés entre 2014 et 2019 ont déjà sollicité la PDAP. En 2020, 29 évaluations ont démarré et 18 ont déjà été finalisées. Cette année, en plus de ces 11 évaluations en cours, il y en a eu 7 nouvelles démarrées donc 18 au total en cours. A ce jour, il y a encore 18 premiers rendez-vous fixés jusqu’en mai prochain, et 24 enfants en attente.

 

Le 2 avril est la journée internationale de sensibilisation à l’autisme. En tant que médecin pédopsychiatre, y-a-t-il encore un message que vous souhaiteriez transmettre ?

La PDAP s’inscrit au cœur de la stratégie pour l’autisme au sein du plan sur les troubles du neurodéveloppement 2018-2022, avec un accent porté sur le diagnostic précoce et l’intérêt d’une prise en charge adaptée rapidement instituée après ce diagnostic précoce, afin que   chaque enfant porteur de TSA ait le meilleur développement possible.

Sandrine Chauveau, Cheffe de service du Pôle des Troubles du Spectre autistique (TSA) et situations complexes au sein de l’Institut médico-éducatif Alfred Binet des Mureaux (78).

Pouvez-vous d’abord nous rappeler la ou les missions de ce Pôle au sein de cet IME ?

Ce pôle, créé en 2015, possède aujourd’hui 13 places réservées à des jeunes de 4 à 20 ans*, tous atteints de troubles du spectre autistique et qui sont, pour certains, en situation complexe.  Pour ces derniers, que nous accueillons en priorité, aucune autre solution n’a en effet pu être trouvée, après souvent un passage de plusieurs années au sein d’un autre environnement, par exemple en unité d’Enseignement en Maternelle Autisme ou à domicile.

Leur arrivée ici s’effectue à l’issue d’un long processus. Pour la plupart ces jeunes sont en rupture de parcours ou en risque de rupture à venir. Leur arrivée fait suite à un Groupement Opérationnel de Synthèse (GOS) dans lequel l’IME-Pole TSA s’est engagé par la signature d’un Plan d’Accompagnement Global à accueillir ces jeunes par des modalités diverses (temps plein, temps partiel, accueil séquentiel, prêt de salle).

 Notre mission auprès de lui consiste à pouvoir mettre en place les prestations répondant à ses besoins en termes d’autonomie, de communication, de soins et de sensorialité dans le cadre de son Projet Individuel d’Accompagnement (PIA) et de le faire progresser. Comment va-t-il être peu à peu capable de s’occuper seul et se faire comprendre, à des degrés variables. En ligne de mire, il y a bien sûr la question du « devenir adulte » des lieux d’accueil et de vie pour adultes, et de le préparer au mieux à cet avenir futur.

 

Le profil des jeunes qui y sont accueillis est à chaque fois unique. Comment adaptez-vous cet accompagnement à la spécificité de chacun et y’a-t-il malgré tout des points de vigilance et ou des difficultés communes rencontrés ?

Le pole TSA base son accompagnement autour de l’analyse fonctionnelle des comportements et de l’éducation structurée. Un comportement qui se répète est toujours significatif de quelque chose. C’est donc à travers une observation très précise qu’on va pouvoir définir et affiner une réponse adaptée en face. Face à ces observations de terrain et des regards plus objectifs de l’équipe encadrante, on définit ensuite ensemble une marche à suivre/un programme éducatif, unique pour chacun.

 

En complément de cette analyse, l’aménagement des espaces (épuration des lieux, repérages visuels avec des emplois du temps et des déroulés séquentiels) va aider le jeune à se repérer dans le temps et l’espace.   

Nous travaillons aussi sur la communication en mettant en place au besoin une communication alternative, par le biais notamment du Picture Exchange Communication System (PECS) pour les jeunes ayant une absence de communication verbale ou avec une communication altérée. On adapte notamment les pictogrammes en fonction des compétences de compréhension. Pour certains, on montrera l’objet, pour d’autres, l’action correspondante.

Face à ce type de situation et aux moyens de communication très limités de certains de nos jeunes, le risque d’épuisement est bien réel. On propose donc à l’équipe des temps d’Analyse de Pratiques Professionnelles (APP) pour permettre d’échanger sur ce qui vient d’être vécu, de passer si besoin le relais, de prendre de la distance et de remettre du sens à la situation.

On peut aussi réajuster et régler des problématiques spécifiques par des visites à domicile. A ce titre, la communication avec les parents ou à défaut, les tuteurs du jeune, est capitale et permet de rester dans le lien et la bienveillance. Plus il y a d’échanges, plus l’accompagnement est bénéfique.

Une évocation plus personnelle pour le 2 avril ? En quoi cette sensibilisation reste t-elle plus que jamais importante ?

Il faut en fait se mobiliser, mais en permanence. De ma propre expérience et au fil de ma carrière, j’ai rencontré beaucoup de parents et vu de nombreuses situations de détresse. Ce qu’il faut, c’est surtout songer aux solutions de l’après car nous ne sommes que des passeurs dans la vie de ces jeunes. Il y a encore beaucoup de besoins et les moyens manquent vraiment en termes de place, notamment pour les plus jeunes et pour les adultes. En attendant, et face à toutes les portes qui leur sont encore fermées, ces familles nous accordent leur confiance et nous leur devons plus que jamais d’écouter leurs besoins.

 *Les jeunes sont répartis au sein du Pôle en trois groupes : le groupe jeune (4 jeunes enfants de 8 à 12 ans) , le groupe adolescent (5 jeunes de 15 à 23 ans) et le groupe modulaire ( 6 jeunes nécessitant un encadrement soutenu en un pour un avec une autonomie limitée). Ces jeunes sont encadrés par une équipe pluridisciplinaire composée de 7 professionnels éducatifs, d’1 enseignante spécialisée à temps plein, d’1 psychomotricienne à mi-temps, d’1 psychologue présente 3 jours par semaine et d’1 infirmière à mi-temps.

Sandra Gerand, psychologue du Pôle des Troubles du Spectre autistique (TSA) au sein de l’Institut médico-éducatif Alfred Binet des Mureaux (78).

Le dernier Plan Autisme s’engage notamment sur l’importance des interventions précoces auprès de l’enfant et de sa famille pour un accompagnement de qualité. Quels sont selon vous les critères de cet accompagnement de qualité ?

Il faut avant tout créer une relation de confiance, être attentif à la dignité des personnes, faire preuve de respect de leurs choix et de ceux de leurs familles. Il est également capital de favoriser l’expression des avis de chacun, des attentes, et ainsi définir des objectifs d’accompagnement qui vont dans le sens de ce que la personne accueillie et sa famille ont exprimé et qui concourent à la qualité de vie. 

Ainsi, quand la personne accueillie ne possède pas de langage oral pour exprimer ses choix, il faut être attentif à tous les comportements qui pourraient signaler qu’elle n’est pas confortable avec la situation ou qu’au contraire l’accompagnement proposé lui permet de s’épanouir et s’affirmer. 

Ainsi, la Haute Autorité de Santé (HAS) insiste sur l’importance de respecter l’individualité de la personne avec TSA, ses habitudes, et rythmes de vie, ses centres d’intérêts, ses goûts, ses besoins afin de renforcer son estime de soi et sa motivation à participer. Il faut donc être particulièrement attentif à prendre en compte ses compétences, déjà présentes ou à développer quelque soit son profil. 

La HAS souligne la nécessité de « reconnaitre et favoriser systématiquement l’autodétermination de la personne et favoriser l’expression de son avis, ses choix, ses attentes sans jugements » de plusieurs façons : 

– en développant et en utilisant des moyens de communication adaptés à la personne (système d’échange d’images, signes, oral, support numérique etc …).

– en observant ou en écoutant la personne et son entourage et en dialoguant autour des options possibles. 

-en lui démontrant la confiance que l’on a en elle pour développer ses capacités.

-en repérant et en favorisant son potentiel d’apprentissage et ses capacités à dépasser les difficultés.

– en valorisant ses initiatives.

Ainsi, dès que possible, l’accompagnement doit proposer des choix à la personne accueillie: dans l’ordre des activités, dans le lieu où elle préfère les réaliser, dans la façon dont elle souhaite être guidée, dans l’intervention elle-même etc…. L’accompagnement doit permettre d’aider la personne à réaliser ce qu’elle souhaite, favoriser son autonomie et son indépendance, diminuer les comportements dangereux, lui permettre d’avoir accès aux situations sociales.

Placer la famille et le bénéficiaire au centre de l’accompagnement  par des échanges réguliers d’informations (transmissions journalières, réunions, contacts téléphoniques, visites à domicile etc..) et co-construire ensemble un accompagnement qui influe sur la qualité de vie de chacun et qui est validé socialement par l’entourage de la personne accueillie sont encore d’autres critères d’un accompagnement de qualité.

Comment le soutien aux familles prend forme au sein de l’IME ?

L’IME réunit des professionnels de différentes compétences qui vont chacun pouvoir accompagner la famille à leur niveau et dans le respect des rôles et missions de chacun. Cette pluralité dans les interlocuteurs possibles peut permettre ainsi de soutenir la famille dans les formes qu’elle le souhaite et dans les besoins qu’elle exprime.  Ainsi, par cette diversité, la famille pourra trouver des pistes de solutions concrètes à mener pour le quotidien avec leur enfant et aussi d’être entendue dans les émotions qu’elle traverse. 

Le soutien aux familles à l’Ime sur le pôle TSA prend donc des formes différentes : visites à domiciles ponctuelles (pour transférer une compétence acquise à l’IME, ou aider à une structuration de l’environnement de la personne accueillie, travailler sur une problématique spécifique etc…), mais aussi des échanges téléphoniques, des rencontres formalisées autour du projet individualisé ou de rencontres programmées, du cahier de transmission que chaque personne accueillie possède.

Le confinement a notamment permis de penser et créer de nouvelles formes d’interventions (comme des séances en visio-conférences, des échanges d’ emails et de supports etc…, la création de blogs ou de sites permettant d’échanger et de rester en lien lors de cette période.) 

Où en est aujourd’hui la formation des jeunes psychologues dans le domaine de l’autisme ?

La reconnaissance du TSA comme un trouble neurodéveloppemental (d’origine multifactorielle, génétique, neurologique et environnementale) et le développement des approches comportementales a placé les parents et plus largement la famille  comme la première et la plus importante source d’informations concernant le bénéficiaire et comme acteur essentiel et central dans l’accompagnement.

 Ainsi, selon les universités de psychologies, les formations sur l’autisme se dégagent des théories psychanalytiques et s’axent davantage sur les différents accompagnements préconisés après des personnes avec TSA (à savoir développementales et comportementales). 

Les savoirs évoluent et en France. Les formations et les conceptions se développent et évoluent, pas toujours aussi vite qu’on le souhaiterait mais les choses avancent et bougent. 

De plus, le psychologue par ses stages et les terrains professionnels où il sera amené à exercer lui permettront de développer et affiner ces connaissances par le biais de formations complémentaires, de supervision et d’apports riches pour sa pratique auprès de personnes avec TSA. 

Un mot de sensibilisation sur l’autisme pour cette journée du 2 avril ?

J’aime beaucoup cette phrase de Temple Grandin (première personne autiste à avoir témoigné de son expérience de vie dans des autobiographies et professeure de zootechnie et de sciences animales) « Il est essentiel de mettre davantage l’accent sur ce qu’un enfant peut faire plutôt que sur ce qu’il ne peut pas faire ». Les enfants que nous accueillons nous surprennent chaque jour par leur façon d’appréhender le monde. Ils nous apprennent une autre façon de penser, de réfléchir le monde et ses relations et c’est une expérience de vie riche et pleine de sens que de pouvoir les accompagner.   

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