Autisme : l’initiative de l’équipe de l’UEMA

À l’occasion de la Journée mondiale de sensibilisation à l’autisme, nous avons choisi de mettre en lumière l’initiative de l’équipe encadrante de l’UEMA(Unité d’Enseignement Autisme des Mureaux), qui a convié le 27 mars dernier les parents de l’Unité, pour une matinée d’échanges et d’expérimentations pratiques sur les mécanismes de l’autisme. 

« Lorsque les enfants arrivent au sein de notre unité, les parents n’ont qu’un diagnostic et nous avons souvent la sensation qu’ils n’ont pas encore vraiment les outils pour définir ce qu’est l’autisme » constate Maïlys De Wispelaere, psychologue au sein de l’UEMA. C’est donc l’objectif visé par cette rencontre : leur apporter les clés pour leur permettre de mieux comprendre la manière dont fonctionne leur enfant et donc anticiper et appréhender au mieux leurs comportements et besoins, notamment à la maison. Pour cela, dix ateliers de mises en condition pratiques et portant sur diverses thématiques ont été installés dans les trois classes de l’unité. 

Les personnes avec TSA ne voient pas les choses dans leur ensemble mais séparément

Quatre de ces ateliers concernent les fonctions cognitives et traduisent, par l’expérimentation, la manière dont les personnes avec autisme pensent et observent. On présente par exemple à l’une des mamans, une tablette dotée d’un petit trou, qui recouvre une image placée en dessous. L’éducatrice lui propose de regarder à travers en le faisant bouger à plusieurs endroits et donc de deviner quelle est cette image. Mais la maman ne la découvre bien entendu que par fragments. Elle ne parvient pas à faire le lien entre tous les éléments et donc à deviner de quoi il s’agit. C’est précisément de cette façon que les personnes avec autisme pensent et observent. Ils ne voient pas les choses dans leur ensemble mais séparément et vont donc avoir besoin de beaucoup plus de temps pour définir une image ou plus largement identifier un élément de leur environnement (un arbre, une table ..). D’autres exercices mettent aussi en évidence cette caractéristique, notamment le puzzle, que l’enfant avec TSA va essayer de faire mécaniquement, sans nécessairement penser à l’image qu’il est en train de former. Cette particularité peut aussi intervenir dans le domaine de l’émotion. Une petite sœur est présente à cette matinée et relate que son frère rit lorsqu’il la voit pleurer. L’éducatrice lui explique alors qu’il ne se moque pas d’elle. Il ne comprend pas qu’elle est triste. L’autisme c’est comme regarder ce puzzle sans voir la vue d’ensemble. Le jeune garçon voit que sa petite sœur pleure, qu’elle fait du bruit et que de l’eau coule de ses yeux, mais il ne va pas associer tous ces éléments pour comprendre qu’ils forment un tout, une émotion, en l’occurrence de la tristesse.  

Un monde qui va trop vite 

Le rapport au langage et à sa compréhension chez les personnes atteintes d’autisme est aussi mis en évidence durant cette matinée. Ainsi est présentée une planche d’images en langage de signes, chacun d’entre eux correspondant à une lettre de notre alphabet. En face, une main sur un écran d’ordinateur signe normalement un mot (lettre par lettre). La difficulté réside à le reconnaître, à fortiori si on ignore le langage des signes, car les gestes paraissent très rapides. « C’est exactement ce que ressent une personne atteinte d’autisme lorsqu’on lui parle, avec l’impression que le monde va trop vite. Il faut donc découper la consigne notamment avec des pictogrammes qui eux sont tangibles et fixes, à la différence des mots qui défilent », explique l’encadrante. 

Un autre exercice montre encore un même signe de la main qui signifie quatre messages différents en fonction de la culture, l’objectif étant d’identifier ses états. Cette mise en pratique démontre aussi que le contexte apporte des indices parfois précieux pour comprendre ce que le locuteur énonce. Les personnes avec TSA ont tendance à ne pas voir ce dernier et ainsi ne comprennent pas parfois ce que leur entourage dit ou attend d’eux. « Dans la vie quotidienne par exemple, cela correspondrait à une situation où un parent donne une instruction à un enfant dans sa chambre et lui demande de l’aider à mettre la table. En l’absence d’indices pertinents et d’aides contextuels autour de lui, l’enfant ne peut pas comprendre cette demande », explique une éducatrice. 

Le troisième volet du langage qui est présenté est celui de l’humour avec des images telles que celle d’un monsieur portant une feuille, pour signifier le mot « portefeuille », ou encore un meuble de cuisine entouré de glaçons pour signifier l’expression « buffet froid » ! Les personnes avec TSA ont effet tendance à prendre les mots au sens très littéral et ce type de dessins stimule ainsi leur pensée. 

À la fin de la matinée, deux vidéos, sous forme de dessins d’animations, sont enfin présentés aux parents et aux quelques fratries pour faire une synthèse sur les caractéristiques de l’autisme. Certaines se livrent un peu plus et font alors état d’une meilleure compréhension des réactions de leur enfant, comme par exemple cette maman qui raconte les bruits de travaux qui effraient son fils le mercredi, à tel point qu’il sort sur le balcon avec une possible mise en danger de lui-même. Une autre maman, ravie de cette matinée et dont le fils part l’an prochain en CP avec une AVS, se remémore encore les crises de son enfant dans les magasins ou lorsqu’il fallait sortir de la piscine parce qu’elle fermait. Cette matinée leur aura servi à prendre un temps d’analyse à l’aide d’outils précis, une mise à distance aussi pour revenir encore plus disponibles auprès de leur enfant. 

La difficulté de prendre en compte le contexte pour répondre à une demande 

Un autre pôle d’expérimentation de cette matinée est consacré à la sensorialité et au graphisme. Ainsi, Audrey, stagiaire Educatrice de Jeunes Enfants ( EJE), propose de goûter un jus de fruits d’une bouteille sur laquelle est apposée une image de citron. C’est en réalité du jus de pommes. Il y a en plus autour d’elle des senteurs de citron. Une personne neurotypique se laisserait naturellement guider par le contexte et les informations de son environnement (ici en l’occurrence l’image de citron et les senteurs), et son goût pourrait de ce fait être dupé et lui faire croire qu’elle boit du jus de citron. « La vue est très performante. Si on dit au cerveau que c’est du citron, notre cerveau va envoyer cette information, ce qui va influencer notre perception du goût », décrypte Ludivine, psychomotricienne à l’IME des Mureaux. A l’inverse, une personne avec TSA n’aura pas cette capacité de prendre en compte les informations transmises par son environnement. Cependant, on voit aussi que la capacité de traitement des informations contextuelles n’est pas non plus systématiquement un atout dans le cas présent car elle peut, pour le coup, induire en erreur la personne neurotypique. 

Dans le second atelier de ce pôle, l’idée est de pouvoir simultanément rester debout en équilibre sur deux grosses boules à picots, tout en essayant de mettre, dans un cube en verre, une petite bille dans un trou, d’écouter dans un casque une histoire drôle et d’en imaginer une fin. 

Ce qu’il faut saisir à travers cet exercice est le fait que parfois «on demande beaucoup à un enfant, même neurotypique. Mais là où celui-ci peut filtrer, hiérarchiser et se concentrer sur les informations (stimuli) les plus importantes, un enfant atteint d’autisme ne le fait pas. Par exemple, dans un supermarché avec sa mère, il va entendre et traiter sur le même plan la voix d’une publicité dans le magasin et celle de sa mère qui va lui dire de lui donner la main. Si en plus, il y a d’autres bruits, cela peut occasionner pour lui une surcharge sensorielle, être vécu difficilement et donc entraîner un comportement inapproprié », explique Nathalie, éducatrice spécialisée. 

Le graphisme ou l’apprentissage de l’automatisation du geste 

Un dernier exercice de ce pôle est lui consacré au graphisme. En le testant, on comprend que l’écriture est un vrai signe d’automatisation du geste. L’exercice consiste à recopier un mot en ne regardant que le miroir placé devant soi et non plus la feuille sur laquelle on écrit. Le bas des lettres sur cette feuille en devient le haut dans le miroir. L’objectif est ici de traduire les difficultés que vivent les personnes avec TSA lorsque des changements brusques ne sont pas explicités. Dans le cas de l’apprentissage de l’écriture, elles ont besoin de plus de temps pour accomplir ce geste qui doit s’effectuer spontanément au bout d’un moment. L’acte d’écrire (acte pratique et gestuel) mobilise en effet plusieurs compétences cognitives comme la planification spatiale, la concentration mais aussi le tonus musculaire. Cet exercice est aussi une façon contextuelle de montrer l’acte pratique de l’écriture et tout ce que doit faire le cerveau pour traiter toutes les informations desquelles résulte cet acte. 

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